SAFRAN, QUI ES-TU ?
Des origines européennes ? Un peu d’histoire…
Il est difficile de situer exactement le lieu d’origine de la culture du safran.
L’histoire du safran, dans sa culture et son usage, remonterait à plus de 3500 ans et traverse plusieurs cultures, continents et civilisations.
Le safran viendrait du Moyen Orient mais aurait été cultivé pour la première fois en Grèce après une sélection des bulbes de crocus cartwrightianus produisant de longs pistils. À force de croisements, à la fin de l’âge du bronze, une forme mutante de ce crocus est apparue en Crète : ainsi est né le Crocus Sativus (crocus cultivé)
Très présent dans la culture Gréco-romaine, on le retrouve également dans la culture Perse, indienne et chinoise.
Le safran est utilisé comme épice, parfum, teinture et médicament.
Comme il est précieux, le commerce du safran est devenu très lucratif et rapporte beaucoup d’or. Les égyptiens, les romains, les arabes, et les asiatiques étaient engagés dans ce commerce, et c’est ainsi que le safran a largement été dispersé.
Ce sont probablement les Croisés qui introduisent le safran en France au XIème siècle, ainsi que les arabes qui répandent sa culture par l’Espagne. D’abord installée dans le sud, en Provence et dans l’Albigeois, la culture s’est étendue vers le nord, dans le Gâtinais, dans le bourg de Boyne, capitale mondiale du safran pendant environ 300 ans.
En Quercy et dans l’Albigeois, le safran occupe des surfaces importantes et connaît jusqu’à la Révolution Française une prospérité telle que son prix est calculé par quintal, sa qualité étant reconnue comme l’une des meilleure d’Europe.
Selon des documents de marchands et de courtiers du XVIème siècle, le Quercy Rouergue et l’Albigeois réunis auraient produit en 1560 près de 60% de la production nationale qui se comptait alors en dizaine de tonnes. On l’exporte vers Lyon pour teindre la soie mais aussi vers Marseille, La Rochelle, Londres et l’Allemagne.
Le 2ème vendémiaire, correspondant au 23 septembre dans du calendrier révolutionnaire, s’appelait «safran»: c’est la date la plus fréquente pour l’apparition des premières fleurs.
La production du safran nécessite une main d’œuvre importante et spécialisée ainsi qu’une conduite culturale minutieuse. Certains hivers trop rigoureux anéantissent les cultures.
Ces facteurs, combinés avec une évolution de l’agriculture française, contribuent à une disparition brutale de la culture du safran en Quercy au XVIIIè siècle.
Après la Révolution, le safran ne subsiste que dans les jardins, pour une consommation familiale. C’est d’ailleurs à partir de quelques bulbes de safran, retrouvés dans les potagers autour de Cajarc, bien à l’abri d’un muret de pierres sèches, qu’est venu l’idée de relancer cette production en 1997.
En conformité avec les principes de précaution et de conservation de la biodiversité elle participe en mai 2001, avec des safraniers, à la création du « Safranério ».
En Corse, la culture du crocus sativus a fait son apparition dans les années 2000 et s’acclimate très bien quelque soit la souche choisie par les safraniers et la situation géographique des exploitations (montagne, bord de mer).
Le crocus sativus
Famille
De la famille des Iridaceae, son nom vient du grec Krokos signifiant filament et Sativus du latin signifiant cultivé.
C’est un cultivar, c’est-à-dire une variété de plante obtenue en culture, généralement par sélection pour ses caractéristiques réputées uniques.
Cycle végétal
Contrairement aux crocus sauvages, notre cultivar a un cycle végétatif inversé.
La plante démarre sa végétation avec l’arrivée de la fraîcheur automnale début octobre (variation selon les régions, chez nous, elle débute plutôt fin octobre quand d’autres commencent fin septembre) avec l’apparition de magnifiques fleurs mauves aux senteurs subtiles.
Pendant la floraison, le feuillage pointe et continue de croître jusqu’en début d’année où il atteint sa taille optimale. On observe alors le développement foliaire et des méristèmes donnant naissance aux nouveaux bulbes. Le cormus père va s’éteindre en desséchant, pour laisser place aux cormus fils groupés tout autour.
En mai, ils auront désormais atteint leur volume maximal et le dessèchement du feuillage et des racines marqueront le début de la période de dormance estivale.
Le crocus sativus affectionne les climats tempérés, il n’est pas exigent et donc facile à cultiver. Il aime les étés chauds et secs mais s’accommode bien des régions plus humides sous réserve de le planter en terrain drainant ou pentu.
Mutiplication
La fleur est stérile et ne produit pas de graines. Le pollen ne pouvant pas féconder l’ovaire de la fleur, le crocus sativus dépend entièrement de l’action humaine pour sa reproduction.
Sa multiplication se fait entre juin et juillet, uniquement par caïeux, par division des touffes de cormus.
Entretien de la safranière
Si la récolte ne dure que 3 semaines environ, la plantation ne doit pas être négligée et fait l’objet d’attention permanente sur le travail de désherbage (manuel uniquement) et l’entretien des allées (mécanique).
La récolte du Safran
Comme le travail de plantation, de division et d’entretien, la récolte du safran se fait entièrement à la main.
La cueillette
Quelque soit la météo, les fleurs doivent être cueillies le jour même.
La récolte démarre tôt quand les fleurs sont prêtes à éclore.
Un travail rigoureux , méticuleux, qui demande d’être rapide pour ne pas laisser les fleurs ouvertes exposées trop longtemps.
La concentration est également de mise il faut…compter chaque fleur déposée dans son panier afin de déterminer la productivité de la plantation par calibre.
Un cueilleur expérimenté peut mettre jusqu’à 1.500 fleurs dans son panier par heure.
L’émondage
Après la récolte, place à l’émondage. C’est l’opération qui consiste séparer les trois stigmates réunis en les pinçant entre le pouce et l’index.
Un travail minutieux et long pendant lequel 500 fleurs par heure et par safranier sont traitées…
Le séchage
Le séchage permet la conservation de l’épice. L’objectif est de réaliser en même temps l’évaporation de l’eau pour la conservation et une légère torréfaction nécessaire pour révéler les arômes.
Au cours de cette opération le safran frais perd les 4/5 de son poids.
Si dans certains pays, le séchage se fait à l’air libre ou au dessus d’un brasero, nous utilisons un déshydrateur qui permet un meilleur contrôle de la température.
La conservation
Le safran est sensible à la lumière et à l’humidité. Mieux vaut le conserver dans un bocal hermétique, protégé de la lumière.
L’épice aux mille vertus
Entre mythes et études sérieuses, le safran domine dans l’art des bienfaits.
Le safranal et les crocines (caroténoïdes) sont les principaux actifs du safran, à la composition chimique très complexe.
Ces actifs, sans oublier l’effet synergique de chacun des constituants, auraient démontré leur capacité à soulager le stress et stabiliser l’humeur.
En outre, il soulagerait les symptômes physiques et émotionnels du syndrome prémenstruel.
Excellent tonique musculaire et digestif, il serait aussi un puissant antioxydant, anti radicalaire et protecteur des cellules rétiniennes.
Bien que les valeurs nutritionnelles du safran soient très intéressantes, n’oubliez pas qu’il n’est consommé qu’en toutes petites quantités et que son utilisation à des fins précises, doit être accompagnée par un expert.
Le safran, oui, mais comment ?
Le dosage…la parcimonie
C’est une question de goût, mais surdosé, il peut vite gâcher un plat!
1 Pistil = 3 stigmates ou filaments ou fils
En général, mais cela peut varier selon l’origine, les millésimes, les goûts (!) …on utilise :
- 3 stigmates par pers. pour un plat sucré
- 6 stigmates par pers. pour un plat salé.
- 24 stigmates par litre de lait
- 0,1 gr pour un risotto de 4 à 6 personnes
Le Pistil
Les Stigmates
La fleur de Safran
Les étamines
Convoité par les gourmets, mais aussi par les… fraudeurs.
Si certaines poudres restent de bonne qualité (achetées chez un producteur connu), la plupart sont coupées avec du curcuma, du paprika, de l’amidon du souci ou pire de la poudre de brique…
Et les stigmates, plus fiables?
En théorie, oui…mais, tout comme la poudre, ils font aussi l’objet de fraude.
Leurs pires ennemis : les pétales séchés de fleurs de carthame, souvent vendus sous l’appellation safran.
La fraude se fait également sur le poids, en incorporant de la barbe de mais ou toute autre herbe séchée colorée artificiellement, des fibres de tissu, ou encore en réduisant la durée du séchage, ou en incorporant des substances sucrées ou salés, qui viennent alourdir l’épice…
Bref, préférez les producteurs locaux, avec qui vous aurez le loisir de discuter de leur méthode de culture, d’émondage, et de séchage.
Un millésime sur un pot permet d’apporter un point de qualité supplémentaire.
A la maison, le stigmate doit être d’un beau rouge, légèrement cassant, et humidifié entre vos doigts, il doit se colorer en jaune-orange et non en rouge..
Privilégier les producteurs locaux, c’est s’assurer une garantie de qualité et de traçabilité.
L’infusion… secret d’arôme
Le safran est une épice délicate et pour l’éveiller, 4 heures minimum sont nécessaires pour développer tous ses arômes (encore mieux la veille…)
Incorporez-le 10 minutes seulement avant la fin de cuisson.
Il ne doit pas bouillir longuement ou être frit : il perdrait toutes ses propriétés!